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« Ils espèrent que ce procès sera juste » : quatre Afghans jugés en appel pour l’incendie du camp de Moria

Quatre Afghans condamnés en 2021 à dix ans de prison pour l’incendie du camp de migrants de Lesbos en 2020, seront rejugés à partir de mercredi en Grèce. La défense avait qualifié leur premier procès de "parodie de justice" face à la légèreté des preuves.

C’est un procès très attendu qui doit s’ouvrir ce mercredi 8 mars à Lesbos, en Grèce. Quatre Afghans condamnés en 2021 à dix ans de prison pour l’incendie du camp de migrants de Moria en 2020, sont rejugés en appel. Ils sont incarcérés depuis deux ans et demi.

« Nos clients espèrent que ce procès sera juste et qu’il leur permettra de sortir de prison », a déclaré l’une des avocates de la défense, Me Vicky Aggelidou,

Deux autres migrants mineurs avaient également été condamnés à cinq de prison dans un procès distinct. Eux aussi ont fait appel.

« Zones d’ombres »

La défense attend avec impatience cette nouvelle étape judiciaire après un premier procès qualifié de « parodie de justice ». « Toutes les accusations sont basées sur le témoignage d’un demandeur d’asile qui n’a jamais été retrouvé », et qui n’était donc pas présent lors du premier procès, indique Marion Bouchetel, avocate membre du Legal center Lesvos. Et d’ajouter que « ce témoignage comporte un certain nombre de zones d’ombres ».

« Le témoin n’a pu fournir que des prénoms aux enquêteurs et c’est là-dessus qu’ils se sont appuyés pour rendre leurs conclusions au juge, sachant que dans ce camp où vivaient 20 000 personnes, il y avait de nombreuses personnes avec le même prénom », complète Me Aggelidou. Enfin, « les quinze autres témoins à charge présents à l’audience de juin 2021 n’ont pas identifié les quatre accusés ».

Lors du premier procès, l’accès avait été refusé aux journalistes mais aussi aux observateurs juridiques et à un représentant du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).

« Des preuves faibles et contradictoires »

Dans la nuit du 8 au 9 septembre 2020, un violent incendie a ravagé le camp de Moria, à Lesbos où s’entassaient près de 20 000 migrants dans des conditions déplorables. Si le site a été entièrement détruit et que des milliers de personnes ont dû être évacuées, aucun décès n’a été à déplorer.

Le premier incendie s’était déclaré peu avant minuit dans l’est du camp, avant de se propager au reste de la zone, selon Forensic Architecture, un collectif de recherche interdisciplinaire mandaté par Legal centre Lesvos pour mener l’enquête.

« Des preuves faibles et contradictoires »

Dans ses conclusions, le cabinet, qui s’était appuyé sur des centaines de vidéos et d’images enregistrées le soir du drame, les rapports d’enquête officiels et une modélisation 3D du camp, avait conclu que « la responsabilité de l’incendie attribuée aux jeunes demandeurs d’asile est basée sur des preuves faibles et contradictoires » et que « l’État grec et l’Union européenne ont fait porter la gestion inhumaine du camp à un bouc émissaire ».

La défense espère pouvoir montrer la reconstitution vidéo à la Cour ce mercredi : « Ce n’est pas sûr qu’ils acceptent, mais dans tous les cas, ils seront obligés de lire les conclusions du rapport » de Forensic Architecture, a déclaré Me Aggelidou.

247 départs de feu dans le camp depuis 2013

Selon Forensic Architecture, 247 départs de feu s’étaient déclarés à l’intérieur et aux alentours du camp de Moria depuis sa création en 2013, dont près de la moitié en 2020, quand son occupation a atteint son paroxysme. Ces précédents incendies ont d’ailleurs causé la mort de plusieurs personnes dont au moins deux enfants.

L’incendie du 8 septembre 2020 s’est rapidement propagé, notamment en raison des matières hautement inflammables composant les habitats : plastique, polystyrène, bois ou bâches. Par ailleurs, les infrastructures électriques et des rafales de vent enregistrées cette nuit-là ont aggravé la situation.

De moins en moins d’arrivées à Lesbos

Construit en 2013 sur un ancien site militaire, le camp de Moria s’était considérablement étendu lors de la vague migratoire de 2015. En mars 2020, la structure comptait 20 000 demandeurs d’asile, pour une capacité d’accueil de 3 000 personnes, selon Forensic Architecture.

Deux nouveaux camps ont été construits pour palier la destruction de Moria. Le premier, prévu pour 2 200 personnes, a été établi temporairement à Mavrovouni. Le second, surnommé « Moria 2.0 » et d’une capacité de 3 000 places, a été construit en septembre 2022 à Vastria, dans le nord de l’île, cristallisant les tensions entre la population insulaire et Athènes. « Le drame du camp de Moria aurait dû faire prendre conscience aux autorités de la dangerosité de ce modèle, estime Marion Bouchetel. Au lieu de ça, on le reproduit et on le renforce avec l’assentiment de l’Union européenne ».

De son côté, la Grèce a renforcé le contrôle de ses frontières et accéléré le processus d’étude des demandes d’asile. Résultat, en 2022, seuls 2 740 migrants sont arrivés à Lesbos, selon des chiffres du HCR, contre 27 000 en 2019. En déplacement sur l’île le 9 février dernier, le ministre de l’Intérieur, Notis Mitarachi a déclaré que « l’immigration n’est plus un problème majeur qui concerne les habitants de l’île […] Lesbos est clairement revenu à la normale ».

 

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