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Seulement 207 migrants relocalisés par le programme de volontariat de l’Union européenne

Depuis sa mise en place il y a six mois, le nouveau mécanisme de relocalisation volontaire, engageant une douzaine d'États membres de l'Union européenne, peine à produire des résultats. Dans un document révélé par l'ONG Statewatch, la Commission européenne craint une "perte de confiance générale" dans le système.

Seuls 207 demandeurs d’asile ont été pris en charge dans le cadre du programme de relocalisation volontaire au sein de l’Union européenne, depuis sa mise en place en juin 2022. Tous ont été transférés depuis l’Italie, leur premier pays d’arrivée, vers d’autres États européens.

Dans le procès-verbal, rédigé en décembre, d’une réunion entre États-membres, émanant de la Commission européenne et divulgué mardi 31 janvier par l’ONG Statewatch, cette dernière note que dans les pays dits « Med5 » (Chypre, Grèce, Italie, Malte, Espagne), on dénombre « environ 600 pré-acceptations mais très peu de transferts », aboutissant à ce maigre résultat fin 2022.

Et ce, alors que l’objectif fixé par ce programme est de 8 000 relocalisations en un an. « Le contraste avec la réponse à l’arrivée de réfugiés d’Ukraine ne pouvait pas être plus frappant », commente Statewatch.

« Perte de confiance générale dans le mécanisme »

Ratifié par 23 pays, ce système de relocalisation avait été mis en œuvre il y a six mois, donc, pour une durée d’un an renouvelable. Il prévoit qu’une douzaine d’États membres, dont la France et l’Allemagne, accueillent sur la base du volontariat 8 000 migrants se trouvant dans les premiers pays d’arrivée européens.

Huit mille, c’est une goutte d’eau par rapport aux 13 000 exilés arrivés sur le sol grec entre janvier et novembre 2022, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), ou aux 29 000 arrivées en Espagne, notamment par la route des Canaries, également recensées par l’OIM. Et surtout au regard des 105 000 personnes migrantes arrivées en Italie en 2022, selon le ministère de l’Intérieur italien.

Pourtant, aujourd’hui, la Commission européenne s’inquiète du fait que l' »enregistrement continu de candidats », sans transferts effectifs ni suffisants par la suite, ne « compromette » l’ensemble du programme. Cela « risque d’augmenter les fuites ou les renonciations (…) entraînant une perte de confiance générale dans le mécanisme », écrit-elle dans ce document confidentiel.

« Procédures arbitraires »

La Commission identifie bien certains obstacles à lever. En particulier, « des préférences parfois restrictives exprimées par les États qui s’engagent ». Ces critères rendent difficiles, parfois, l’adéquation avec les candidats et limitent les profils acceptés.

Un exemple marquant : la Norvège. Les autorités norvégiennes assument, dans ce document, avoir des « préférences pour certaines nationalités de demandeurs d’asile ». Plus étonnant encore : elles veulent « éviter tout lien direct avec les opérations de recherche et de sauvetage menées par les navires des ONG » dans les profils des candidats.

À l’heure actuelle, « la sélection des candidats à la relocalisation suit des procédures arbitraires et le processus d’entretien cause beaucoup de stress aux personnes traumatisées », dénonce l’ONG Borderline-Europe, basée à Berlin, Palerme et Lesbos, et qui étudie de près ce programme de relocalisation.

Des précédents peu probants

C’est la France qui avait accueilli, en août 2022, le premier groupe de relocalisés dans le cadre de ce mécanisme : à savoir 38 personnes arrivées en Italie. Elle assure, dans le document de la Commission datant de décembre, qu’elle est actuellement en train d’organiser le transfert de 89 personnes interrogées lors de deux missions réalisés à Chypre.

La France s’est engagée à recevoir 3 000 demandeurs d’asile relocalisés par an. L’Allemagne, 3 500. Après six mois d’application, on reste très loin du compte.

Un précédent mécanisme, adopté par le Conseil de l’UE en 2015 avait, lui, une valeur contraignante pour les États membres. Il devait concerner 160 000 migrants. Sauf qu’il n’avait pas porté ses fruits non plus. En fin de compte, « ce sont quelque 34 689 demandeurs d’asile qui ont été relocalisés au 31 mai 2018 », notait Marie-Laure Basilien-Gainche, membre de l’institut Convergences Migrations, interrogée par InfoMigrants en novembre. Soit seulement 35% des engagements prévus.

« On sait que le côté obligatoire ne fonctionne pas », estimait quant à elle Camille Le Coz, analyste à l’Institut des politiques migratoires. « Ce n’est pas anodin de faire ces transferts, ce sont des opérations compliquées », expliquait la chercheuse. « Comment faire un ‘security background check’, c’est-à-dire vérifier que les personnes ne représentent pas des menaces à la sécurité ? Les procédures ont mis du temps à être mises en place entre les États membres. »

Pour répondre à cet enjeu, la Commission invite à mener des « contrôles et entretiens de sécurité à distance » par les États de destination, dans la mesure où les candidats sont déjà soumis à des contrôles dans les pays d’arrivées, « souvent avec le soutien opérationnel de Frontex et d’Europol ».

Enfin, la Commission propose d’aborder le sujet de la relocalisation des mineurs non-accompagnés lors de la prochaine réunion des États membres sur ce sujet. Pour l’heure, seule Malte s’est montrée intéressée par cette possibilité, quand bien même la Commission indique que ces jeunes « mériteraient la priorité » des relocalisations.

 

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