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Manche : Londres menace d’expulsion vers le Rwanda les Soudanais qui fuient le conflit

Depuis le début de la semaine, Suella Braverman, ministre de l’Intérieur britannique, multiplie les déclarations à l’encontre des Soudanais fuyant le conflit armé en cours dans leur pays. Refusant de leur ouvrir des voies légales comme pour l’Ukraine et l’Afghanistan, elle a menacé ceux qui viendraient « illégalement » par la Manche de rétention et d’expulsion vers le Rwanda.

Alors que le Soudan se trouve au bord de la guerre civile, la ministre de l’Intérieur britannique, Suella Braverman, a averti mercredi que les migrants soudanais qui arriveraient au Royaume-Uni après une traversée de la Manche par bateau seraient considérés comme étant « venus illégalement ».

À ce titre, ceux-ci pourraient être détenus et envoyés au Rwanda dans le cadre du projet de loi sur la migration illégale du gouvernement, a-t-elle soutenu.

Ce texte controversé a été adopté en troisième lecture mercredi par les députés, à 289 voix contre 230. Il doit encore être voté à la chambre des Lords, où il pourrait rencontrer une plus grande opposition et être modifié ou retardé, explique The Guardian. Quant à l’accord avec le Rwanda, il est pour l’heure suspendu et étudié en appel par la justice britannique.

« Il n’y a aucune bonne raison pour quiconque de monter sur un canot et de traverser la Manche à la recherche d’une nouvelle vie au Royaume-Uni », a argumenté Suella Braverman.

En début de semaine, elle avait aussi comparé les migrants à des trafiquants de drogue : « Nous constatons des niveaux accrus de criminalité en ce qui concerne les personnes venues par bateaux, liés au trafic de drogue, à l’exploitation, à la prostitution ».

Refus d’ouvrir une voie légale

La ministre de l’Intérieur a exclu toute ouverture d’une voie sûre et légale permettant aux demandeurs d’asile au Soudan de trouver refuge au Royaume-Uni. C’est ce qui avait pu être fait dans le cas de l’Ukraine, ou de l’Afghanistan, ces deux dernières années.

« Si vous fuyez le Soudan pour des raisons humanitaires, il existe différents mécanismes que vous pouvez utiliser. Le HCR est présent dans la région et c’est le bon mécanisme par lequel les gens doivent faire une demande s’ils veulent demander l’asile au Royaume-Uni », a déclaré Suella Braverman.

Aussitôt, le Haut-commissariat des Nations unies aux réfugiés a réagi, rappelant que contrairement à la déclaration de la ministre de l’Intérieur, il n’existe « aucun mécanisme » permettant de demander l’asile au Royaume-Uni par son intermédiaire.

« Il n’y a pas de visa d’asile ni de ‘file d’attente’ pour le Royaume-Uni », a expliqué l’agence onusienne. L’organisation a ajouté qu’une « majorité écrasante » de migrants sur le sol soudanais n’a pas accès à des itinéraires sûrs et légaux vers le Royaume-Uni.

Il n’existe pas, en effet, de possibilité de demander l’asile depuis le sol soudanais. Le chaos actuel à Khartoum rend difficile l’accès aux administrations susceptibles de délivrer des visas.

Les Soudanais se réfugient dans les pays voisins

Un cessez-le-feu fragile est actuellement en place au Soudan. Depuis le 15 avril, les armées du général Abdel Fattah al-Burhane, dirigeant du Soudan, et son adjoint devenu rival, le général Mohamed Hamdane Daglo, s’affrontent.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les violences ont déjà fait au moins 459 morts parmi les civils. La population se réfugie en priorité dans les pays voisins. En 10 jours, déjà 20 000 personnes ont trouvé refuge sur le territoire frontalier du Tchad, a exposé Jérôme Merlin, représentant adjoint du HCR au Tchad.

« Notre objectif, d’abord et avant tout, en ce moment, et en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une situation qui évolue rapidement et d’une situation complexe, est de soutenir les ressortissants britanniques », a défendu Suelle Braverman. Plusieurs centaines de citoyens britanniques ont été rapatriés par avion depuis le sol soudanais, mais près de 2 000 sont encore enregistrés dans le plan d’évacuation britannique.

Quant aux Soudanais, près de 4 000 d’entre eux ont traversé la Manche depuis 2020 par bateau, rappelle la presse britannique. Ils sont déjà la huitième nationalité à utiliser cette route maritime. La crise au Soudan risque d’augmenter ces traversées.

« Plutôt que d’accueillir des réfugiés fuyant une guerre dangereuse, ce gouvernement cruel et insensible leur claque la porte au nez en ne mettant pas en place des voies d’asile sûres et légales sur mesure – ce qui risque de faire encore plus de victimes sur de petits bateaux dans la Manche », s’est inquiété la députée du parti écologiste Caroline Lucas auprès de The Independant. Celle-ci a qualifié l’idée que des demandeurs d’asile soudanais puissent être expulsés vers le Rwanda de « tout à fait terrifiante ».

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