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Nabil Karoui, une candidature crédible?

La classe populaire tunisienne ne cherche pas un candidat qui promet “un retour a la croissance”, “un déficit commerciale réduit” et “une réduction de l’inflation”.

 

Cela semblait irréaliste, il y a de cela quelques mois. Comment expliquer la percée fulgurante de Nabil Karoui chez l’électorat populaire? Car son succès ne dépend pas uniquement de l’arrêt de diffusion de Nessma par la HAICA, comme certains pourraient le croire.

Au coeur de l’insensible

Nabil Karoui est loin d’être l’archétype du candidat du peuple. C’est bien pour cela, que la classe politique l’a sous-estimé. D’abord moqué, puis craint, maintenant tous cherchent à l’abattre. Tous les sondages (Emrhod, SIGMA, Elka) s’accordent à dire une chose: Nabil Karoui fait au moins partie des 4 candidats les plus populaires pour les élections présidentielles.

Sans même avoir de parti politique, “le parti de Nabil Karoui” a fait son apparition dans les intentions de votes aux législatives. Ce phénomène, à mon sens, est dû à l’incapacité criante des autres candidats à se racheter une image auprès de la classe populaire. Karoui, a tout simplement choisi la voie de l’humanitaire.

La classe populaire tunisienne ne cherche pas un candidat qui promet “un retour a la croissance”, “un déficit commerciale réduit” et “une réduction de l’inflation”.

Tout simplement, car ce sont des termes que les politiciens n’ont pas daigné démocratiser au petit peuple et ont refusé de s’inscrire dans une idéologie finaliste qui facilite l’appréhension de ce terme: qu’est ce que je vous promet? Le bonheur? La sécurité? L’égalité?

Personne ne s’est posée cette question. Tous ont refusé l’idéologie car ils ont préféré la voix du rationnel. Si le rationnel a fonctionné dans certains pays, c’est parce que le capital culturel était beaucoup plus élevé. La culture des indicateurs s’est emprise de la politique tunisienne et notamment au centre.

Comment est ressentie par la classe populaire cette méthode politique? Et bien, comme de l’insensibilité, tout simplement. Venir parler du FMI et de la dette publique à ceux qui dépendent des transports en commun et du service public, non pas pour vivre, mais pour survivre, est un suicide politique.

Karoui l’a saisi. 3ich Tounsi l’a saisi. Abir Moussi aussi l’a saisi.

Il faut adopter une approche, que certains qualifient de “populiste”, pour convaincre la classe populaire mais que moi, je qualifierais tout simplement de sensible.

Un peuple, des populismes

Pierre-André Taguieff, philosophe Français, définit le populisme “comme une attitude d’ensemble, plutôt qu’un régime, une théorie ou une idéologie”. À ses yeux, le populisme “naît fondamentalement du mécontentement du peuple à l’égard de la manière dont il est gouverné”.

L’absence d’idées politiques crée le populisme. La gouvernance insensible crée le mécontentement. Si on ne se soucie exclusivement que des indicateurs économiques, on prend le risque de favoriser les candidatures telles que celles de Nabil Karoui. On prend le risque d’encourager le changement radical plutôt que la progression vers l’idéal.

Nabil Karoui remplit un vide

Le personnage est assez intéressant. Proximité avec Berlusconi, ancien soutien de Nidaa Tounes et scandale avec Nawaat ou encore I Watch.

Néanmoins, gardons à l’esprit une chose. Dans son parcours politique, il y a eu une métamorphose depuis 2016. Le patron de Nessma a saisi les enjeux: une gauche en miettes qui n’arrive plus à représenter personne, un centre lassant et des nostalgiques destouriens de plus en plus présents.

La création d’un parti aurait été une anomalie par rapport à sa volonté: chaque action politique doit être différente des autres.

L’Association Khalil Tounes a permis de voir un autre Nabil Karoui. Pour le Tunisien lambda, tous les hommes politiques ont des scandales et ceux qui en ont, n’ont plus la capacité d’interagir sentimentalement avec eux.

Karoui a réussi car il leur a fournit un autre visage: celui qui prend son temps avec eux, celui qui fait la tournée de la Tunisie pour afficher les problèmes sociaux sur une chaine de télévision majeure et surtout, celui qui agit directement sur la vie des personnes en situation de précarité.

Pour nous, ce n’était qu’une pré-campagne, une tentative “d’achat de voix” mais pour la classe populaire, c’est un homme qui tente de compenser les lacunes de l’État.

Un État qui n’a pas réussi à leur fournir ce qu’ils voulaient, car ils passe son temps en guerre contre l’UGTT, sur les dernières miettes du petit peuple.

Si l’on veut comprendre ce succès, il faut se poser la question suivante: dans ce contexte politique nauséabond, où le centre a déçu, où les Ben Alistes sont de retour, ou l’islamisme reste une menace, et où la gauche est inaudible, un homme qui a parcouru le pays à la rencontre des plus précaires est-il si peu crédible qu’on le dit?

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