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Royaume-Uni : des influenceurs TikTok pour freiner les arrivées de migrants

Le ministère de l’Intérieur britannique projette de rémunérer des influenceurs du réseau social TikTok basés dans plusieurs pays du monde, pour faire des vidéos visant à dissuader les candidats à l’exil de venir au Royaume-Uni. D’après la presse anglaise, un rappeur, des comédiens et des blogueurs lifestyle albanais ont déjà été approchés.

C’est la nouvelle idée imaginée par le gouvernement britannique pour lutter contre les arrivées de migrants par la Manche. D’après des documents consultés par le Times, le ministre de l’Intérieur James Cleverly souhaite faire appel à des influenceurs du réseau social TikTok basés dans plusieurs pays, pour dissuader les candidats à l’exil de venir au Royaume-Uni.

Coût de la manœuvre ? 576 500 £ au total, soit 675 000 euros, qui financeront les auteurs des vidéos.

Une liste restreinte de personnes a déjà été établie en Albanie. Elle comprend « un rappeur, deux comédiens, des blogueurs lifestyle, des personnalités de la télévision et un écrivain voyageur », explique le journal. Ces derniers seraient rémunérés à hauteur de 5 800 euros chacun, pour notamment avertir les internautes intéressés par la traversée de leur potentielle expulsion au Rwanda.

Un budget supplémentaire de 17 000 euros a été fixé pour rémunérer des influenceurs en Égypte et au Vietnam. Le portefeuille des Tiktokeurs turcs, irakiens et indiens n’a en revanche pas encore été décidé.

« Les passeurs utilisent fréquemment les réseaux sociaux pour colporter des mensonges et promouvoir leurs activités criminelles, et il est essentiel que nous utilisions les mêmes plateformes pour dire la vérité aux migrants sur la traversée de la Manche, et les arrivées illégales au Royaume-Uni », s’est défendu auprès de Sky News un porte-parole du Home office.

« Vous mourrez rapidement d’hypothermie »

Ce n’est pas la première fois que Londres s’appuie sur la toile pour freiner les arrivées de migrants. En août 2023, The Independent avait révélé que le ministère de l’Intérieur avait versé à Meta au moins 35 000 euros pour la diffusion de centaines de publicités Facebook et Instagram, diffusées auprès d’internautes du nord de la France et de la Belgique, entre janvier 2021 et septembre 2022.

Les cibles étaient sélectionnées par langue, notamment l’arabe, le kurde et le persan, et par les « intérêts » présentés, à l’instar du football et du cricket afghans, du cinéma iranien, ou de la « cuisine irakienne ». Des chercheurs universitaires avaient néanmoins prouvé que ces publicités touchaient en majorité des touristes et des hommes d’affaires en déplacement.

En août 2021, le Home office avait aussi mis en ligne un site internet non officiel, à destination des candidats à l’exil. Baptisé « On the move », il fournissait de nombreuses informations – en arabe, en persan, en kurde, en pachto et en tigrigna – sur les risques qui attendaient les migrants désireux de rejoindre le Royaume-Uni.

« Si vous tombez à la mer, vous risquez de vous noyer, vous ne tiendrez pas plus de 30 minutes dans l’eau froide, pouvait-on lire. Si les conditions en mer changent rapidement, votre bateau se renversera/chavirera. Vous mourrez rapidement d’hypothermie ».

Pour Matthieu Tardis, chercheur au centre Migration citoyenneté de l’Institut français des relations internationales (Ifri) joint par InfoMigrants à l’époque, la création de ce site illustrait bien « la direction vers laquelle se tourne le Royaume-Uni en termes de politique migratoire : celle de l’externalisation ». Une stratégie que réitère donc Londres trois ans plus tard, sur TikTok cette fois.

Des arrivées en baisse en 2023

Si les résultats de cette stratégie restent peu probants, pour Londres, l’initiative a toute sa place dans sa politique anti-immigration. « Les mesures que nous avons prises [jusqu’ici] ont réduit les traversées de 36 % l’année dernière », s’est encore justifié le porte-parole du Home office auprès de Sky News.

En 2023, le Royaume-Uni a enregistré 29 437 arrivées de migrants en « small boats », contre 45 000 en 2022. Mais un facteur important permet d’explique cette baisse : l’accord signé entre Londres et l’Albanie en décembre 2022 pour lutter contre l’immigration clandestine. Cette année-là en effet, près d’un tiers des 45 000 arrivées sur le sol anglais concernaient des Albanais partis de France, souvent des hommes majeurs seuls. À l’été 2022, les Albanais ont même représenté jusqu’à 50 % des passagers de « small boats ».

Malgré une baisse des arrivées d’exilés sur le littoral britannique, les drames en mer, eux, restent nombreux. Dans la nuit du samedi 13 au dimanche 14 janvier, cinq personnes sont mortes noyées dans une eau à 9 degrés alors qu’elles tentaient de rejoindre une embarcation en partance pour le Royaume-Uni. Abadah, 14 ans, et Mohamed, 16 ans, originaires de Deraa en Syrie, figurent parmi les victimes. Ils vivaient avec d’autres membres de leur famille sous un pont de Calais, avant de tenter la traversée.

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