Maghrébins d'EuropeMaghrébins du Monde

« Mayotte place nette » : un an après Wuambushu, le gouvernement lance une 2e opération contre l’immigration irrégulière

Un an après l’opération Wuambushu, l’État français a lancé une nouvelle opération afin de lutter contre la délinquance, l’habitat insalubre et l’immigration irrégulière à Mayotte. C’est la ministre des Outre-Mer qui a annoncé ce mardi le lancement de « Mayotte place nette ».

Le soleil était à peine levé ce mardi quand les forces de l’ordre ont entamé la destruction d’une partie du bidonville de Doujani 2, un quartier de Mamoudzou, à Mayotte. Selon la presse locale, plus de 200 cases en tôle sont concernées par cette opération qui a notamment mobilisé un important dispositif policier, dont les véhicules blindés de la gendarmerie. Une autre opération, qui s’est terminée par plusieurs interpellations, a eu lieu à Dembéni, à l’est de l’île.

« Depuis ce [mardi] dès l’aube, deux opérations, une de police et une de gendarmerie, ont lieu pour lutter contre l’habitat insalubre, les chefs de bande et l’immigration clandestine », a confirmé la ministre des Outre-Mer, annonçant le lancement de « Mayotte place nette » (ou Wuambushu 2), seconde opération anti-migrants dans le 101e département français.

« 400 policiers et gendarmes » sont mobilisés ce mardi pour ce que Marie Guévenoux a appelé « l’acte 2 du retour de l’ordre à Mayotte ». Mais au total, ce sont 1 700 forces de l’ordre qui vont participer à « Mayotte place nette », une « opération de grande envergure » prévue pour durer 11 semaines, soit jusqu’à fin juin.

Les objectifs de l’opération sont les mêmes que Wuambushu 1. Cette fois-ci, « 60 chefs de bande sont ciblés » et le gouvernement espère détruire « 1 300 bangas », ces habitations illégales qui forment les bidonvilles de l’île. C’est « deux fois plus que ce qu’a permis de faire Wuambushu 1 », a ajouté la ministre.

« Couper la route migratoire »

Pour atteindre ces objectifs, les autorités ont accru le dispositif sécuritaire en mer. Ainsi, un navire va naviguer en haute mer dans le canal du Mozambique afin de « couper la route migratoire » entre l’Afrique des Grands Lacs et le département français. En 2023, le nombre de demandeurs d’asile africains à Mayotte a augmenté d’un tiers.

Face au manque d’infrastructure, des centaines de demandeurs d’asile avaient installé un camp dans un stade de Cavani – aujourd’hui démantelé – provoquant tensions entre habitants et migrants.

Ensuite, pour intercepter les kwassa-kwassa, ces petits navires en bois utilisés par les migrants pour traverser les 70km de mer qui séparent Mayotte des Comores, deux vedettes supplémentaires ont été affrétées au large de Mayotte. Et enfin, un avion civil survolera le territoire maritime mahorais durant toute la durée de l’opération afin de faciliter le repérage des embarcations.

Sur terre, des brigades terrestres seront mobilisées pour se rendre « sur les points d’accostage », un quatrième centre de rétention administratif va être créé le temps de l’opération et une enveloppe de cinq millions d’euros a été débloquée pour l’hébergement d’urgence des migrants interpellés dans le cadre de l’opération.

Concernant les renforts, qui avaient été nombreux pour Wuambushu en 2023, une « centaine de renforts spécialisés (…), notamment des policiers aux frontières et des officiers de police judiciaire » sont prévus pour cette opération. En temps normal, 1 600 gendarmes et policiers sont déjà en poste sur ce territoire de 350 000 habitants, selon le ministère.

Wuambushu, un bilan mitigé

Avec cette nouvelle opération, le gouvernement français espère faire mieux que Wuambushu 1 lancée il y a un an. Elle avait été marquée par de nombreux déboires judiciaires et diplomatiques qui avaient totalement paralysé les opérations durant plusieurs semaines. Par exemple, en 2023, 25 000 personnes ont été expulsées de Mayotte alors qu’en 2019, ce nombre atteignait 27 000. Près de « 700 bangas » avaient été détruits et « 60 individus ciblés arrêtés » durant Wuambushu 1, a précisé la ministre alors qu’initialement, l’objectif de l’opération était de plus de 1 000 logements.

« Mayotte place nette » est aussi une réponse à la situation sécuritaire sur l’île, qui a continué de se dégrader depuis l’année dernière, et à la colère de la population qui ne cesse de monter. Pendant plusieurs semaines, des Mahorais, réunis dans un collectif, ont organisé des barrages sur l’île au début de l’année pour réclamer des mesures d’urgence contre l’insécurité permanente.

Ces derniers jours ont d’ailleurs été marqués par une recrudescence des violences où les caillassages des automobilistes sont quotidiens, tout comme les affrontements entre bandes de jeunes de villages rivaux. L’entreprise gestionnaire du réseau de transport scolaire a notamment évoqué un « record » d’agressions de ses véhicules la semaine dernière.

Droit du sol

En parallèle de cette opération, la ministre des Outre-Mer a rappelé que la suppression du droit du sol à Mayotte était « toujours d’actualité ». « Deux projets de loi, dont une constitutionnelle, seront présentés fin mai », a-t-elle dit lors d’une conférence de presse, précisant qu’elle se rendrait à nouveau sur le territoire le 2 mai prochain.

« Aujourd’hui, quand vous naissez à Mayotte de parents en situation irrégulière, vous pouvez acquérir la nationalité française à 13 ans et à partir de là vos parents peuvent bénéficier d’un titre de séjour. On veut faire en sorte que ce mécanisme ne soit plus possible », a-t-elle assuré, affirmant que « sur les 13 600 titres de séjour distribués, 85 % sont de ce fait ». « On veut couper cette attractivité du titre de séjour » et envoyer « un signal très clair et très ferme (…) aux pays de la zone », a-t-elle poursuivi.

Cette dernière proposition avait été largement décriée lors de son annonce par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. Nombre de spécialistes et ONG avaient estimé que la suppression du droit du sol sur l’île ne résoudrait pas le problème de l’immigration illégale. Plusieurs professeurs de droit public estimaient d’ailleurs, dans une tribune publiée dans Le Monde au lendemain des annonces du ministre, que « l’attractivité de notre droit de la nationalité relève assez largement du mythe ».

Afficher plus

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page