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Lutte contre les passeurs : la Commission européenne veut durcir les sanctions et « combattre » le trafic d’êtres humains

La commissaire européenne aux affaires intérieures, Ylva Johansson, a tenu mardi une conférence internationale sur la lutte contre le trafic de migrants en présence de nombreux ministres de l’Intérieur européens et africains. L’Union européenne souhaite réformer la législation actuelle pour alourdir les sanctions pénales et décourager les trafiquants.

La Commission européenne veut intensifier sa lutte contre les passeurs de migrants. Lors d’une conférence internationale organisée à Bruxelles, en Belgique, mardi 28 novembre, la commissaire européenne aux Affaires intérieures, Ylva Johansson a déclaré vouloir lancer « une alliance globale pour combattre le trafic de migrants ».

« Au début du mois, une petite fille est morte à proximité de l’île de Lampedusa après que son bateau s’est retrouvé bloqué dans une mer agitée (…). Cette petite fille s’est retrouvée sur ce bateau à cause de passeurs qui connaissent parfaitement les risques, et pourtant, ils l’ont fait pour l’argent », a déclaré la commissaire européenne lors d’un discours.

La conférence a réuni des dizaines de ministres de l’Intérieur européens comme africains, ainsi que des représentants d’Europol, Eurojust ou encore Frontex, l’agence de contrôle des frontières extérieures de l’UE. Côté français, c’est la secrétaire d’État à la citoyenneté, Sabrina Agresti-Roubache qui a fait le déplacement.

Cette rencontre était le souhait de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, qui l’avait évoquée deux mois plus tôt lors de son discours annuel sur l’état de l’Union. Elle intervient après la crise de Lampedusa – qui avait déjà provoqué la venue de la présidente sur la petite île italienne le 17 septembre – et au lendemain de l’abrogation d’une loi criminalisant le trafic de migrants au Niger, plaque tournante de l’immigration vers l’Europe.

Une nouvelle directive européenne en préparation

Cette réunion avait notamment pour objet de proposer une nouvelle législation européenne dans la lutte contre le trafic de migrants, l’actuelle datant de 2002 et n’étant plus adaptée aux techniques des trafiquants, selon l’exécutif européen. La commission européenne cite notamment « l’utilisation d’outils numériques à tous les stades du processus, avec la publicité en ligne pour les services de contrebande, les itinéraires et les prix, ainsi que la falsification de documents ; l’utilisation de crypto-monnaies, d’argent numérique ou d’autres formes de paiement non officielles ».

« Le fonctionnement de ces passeurs est en constante évolution (…) Nous avons donc besoin d’une nouvelle législation et d’une nouvelle structure de gouvernance. Nous avons besoin d’un renforcement des services répressifs, de poursuites et d’un rôle plus important pour nos agences – Europol, Eurojust et Frontex », a déclaré Ursula von der Leyen.

Jusqu’à 15 ans de prison contre 8 actuellement pour les trafiquants

La nouvelle directive européenne prévoit d’alourdir les sanctions pénales concernant le délit d’aide à l’entrée, au transit, et au séjour irréguliers (fixé par la directive 2002/90/CE), le plus souvent utilisé dans les tribunaux pour condamner les passeurs. « L’incitation publique à entrer dans l’UE sans autorisation deviendra également une infraction pénale, notamment via l’usage d’outils numériques et de médias sociaux », a déclaré Ylva Johansson.

Les peines pour les trafiquants pourront atteindre 15 ans de prison ferme : « L’infraction principale de facilitation [à l’entrée] serait punie d’une peine maximale d’emprisonnement d’au moins trois ans, tandis que les infractions aggravées (en bande organisée ou avec violences, par exemple, NDLR) seraient passibles d’au moins 10 ans d’emprisonnement. » Celles ayant causé la mort serait sanctionnable de 15 ans de prison, contre 8 dans la législation actuelle.

Enfin, la commissaire européenne souhaite renforcer le rôle d’Europol, l’agence européenne de police, et du centre de coordination sur la lutte contre le trafic de migrants. La nouvelle directive doit désormais être soumise au Parlement et au Conseil européen dans les prochains mois.

Poussée de l’extrême droite en Europe

La conférence de la Commission européenne intervient dans un contexte tendu sur la question de l’immigration. En Italie, en Slovaquie et depuis peu aux Pays-Bas, l’extrême droite a remporté les élections législatives, notamment en insistant sur le supposé laxisme des institutions européennes concernant l’accueil des réfugiés.

À six mois des élections européennes, la Commission espère infléchir la tendance, notamment en concluant son nouveau Pacte asile et immigration, en discussion depuis trois ans. Le Parlement et Conseil se sont engagés à l’adopter pour février 2024. Le texte doit permettre une meilleure répartition des demandeurs d’asile entre les pays dits « de première ligne » (Grèce, Italie, Espagne) et les autres. Il prévoit aussi, en cas d’afflux « massif » et « exceptionnel » de migrants, un dispositif de relocalisation obligatoire des nouveaux venus dans d’autres pays.

Lors de son allocution de mardi à Bruxelles, Ursula von der Leyen, a d’ailleurs rappelé « que l’assistance humanitaire mandatée par la loi (par exemple dans le cadre d’opérations de recherche et de sauvetage) ne peut et ne doit pas être criminalisée », taclant les multiples décrets adoptés par le gouvernement italien de Giorgia Meloni pour compliquer le travail des navires humanitaires en mer.

En 2022, l’Europe a dénombré 331 000 entrées irrégulières, soit une hausse de 66% par rapport à 2021, selon Frontex qui précise que « plus de 90 % des migrants irréguliers [arrivés dans l’UE] ont été aidés par des passeurs ». Le trafic de migrants génèrerait entre 4,7 et 6 milliards d’euros de bénéfice chaque année dans le monde, avec son lot de victimes. Selon l’Organisation internationale pour les migrations, plus de 28 000 migrants sont morts ou portés disparus en mer Méditerranée depuis 2014.

 

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