Le pèlerinage de la Ghriba à Djerba, douce senteur de l’enfance
C’est dans ce quartier pittoresque de la Hara Kebira que les enfants et les adolescents juifs fréquentent l’école juive, de la maternelle à la yeshiva (école religieuse). En ce lieu, l’horloge s’est arrêtée, le temps s’est arrêté.
Le pèlerinage de la Ghriba vient d’ouvrir ses portes et par petits groupes, les pèlerins, les visiteurs, les étrangers affluent, les journalistes aussi, les diplomates, des ministres, des parlementaires… juifs, chrétiens et musulmans. On distingue de partout des caméras, des micros et les gens vont et viennent dans un désordre indescriptible. La foule se masse ici et là. La Ghriba abrite l’une des plus vieilles Torah du monde. La Torah est, selon la tradition du judaïsme, l’enseignement divin transmis par Dieu à Moïse sur le mont Sinaï et retransmis au travers de ses cinq livres, ainsi que l’ensemble des enseignements qui en découlent. Le pèlerinage de la synagogue de la Ghriba, dont la première pierre remonterait, selon la légende, à l’arrivée de prêtres fuyant la destruction du temple de Salomon par Nabuchodonosor (en 586 avant J.-C.) est le grand rendez-vous annuel du judaïsme tunisien.
Cette synagogue de la Ghriba se trouve dans la “Hara Kbira”, le quartier Juif de l’île, sorte de grand faubourg de Houmt Souk, le chef-lieu de Djerba. Ici résident encore quelques centaines de juifs tunisiens. D’ailleurs, il est très agréable de visiter ce quartier. Dans les maisons blanches sont peints des dessins (chandelier, poisson, main de fatma…). On y trouve aussi de petites échoppes pour acheter de délicieux bricks au thon, du thé, des légumes, des gâteaux. Mais, c’est dans ce quartier pittoresque que les enfants et les adolescents juifs fréquentent l’école juive, de la maternelle à la yeshiva (école religieuse). En ce lieu, l’horloge s’est arrêtée, le temps s’est arrêté. Et, je ressens là une immense émotion du temps d’avant, lorsque je vois trois ou quatre petites salles de cours, quelques tables, les tableaux avec des inscriptions en hébreu, sa synagogue et les enfants qui portent kipa. Ils vont et viennent. Ce devait être comme cela, avant. Ce que l’on voit aujourd’hui n’est plus qu’une survivance du temps d’avant. Quasiment la dernière communauté juive d’un pays arabe. Et, cette présence est une bénédiction.
Je ne connais pas au monde, peut-être une plus belle synagogue. Peut-être, parce que là, je sens la présence de ma mère, cette juive de Tunisie. Parce que je me rappelle des paroles à l’enfant que j’étais, lorsqu’elle me parlait de son cher pays natal et de cet amour incroyable que les Juifs de Tunisie ont pour ce pays.
Où que vous soyez dans le monde, si vous aimez vraiment Djerba parce qu’elle est douce, il vous reviendra son doux parfum. Vous reverrez sa blancheur, la blancheur de ses petites maisons, de ses petites ruelles, de ses souks. Votre imagination ou vos souvenirs vous transporteront par-delà les mers et les rivages et vous revivrez son ambiance, cette ambiance. Comme un oiseau, vous survolerez l’île. Djerba recèle mille trésors et ils sont touristiques, culturels, culinaires, linguistiques, historiques, religieux, spirituels. Que dire également de la gentillesse des gens? Toutes ces choses qui font de Djerba, un joyau que j’appelle l’enchanteresse.
Djerba est aussi accueillante. Dans un monde à couteaux tirés, où chacun se regarde en chien de faïence, lorsque nous nous ignorons, lorsque nous nous évitons, lorsque nous nous méprisons, lorsque hélas, nous nous détestons quelquefois, il est ainsi des endroits et des îlots de paix. Et c’est cela qui, au-delà de la distance et du lointain, nous ramène à Djerba.
L’enchanteresse, au-delà de la beauté.
Je dois à ma mère, cette juive arabe, d’espérer qu’il soit possible un jour, que juifs et arabes se réconcilient, sur un air de Oud et que la magie orientale fasse de l’effet, qu’ils apprennent alors à se repenser, à se retrouver, à se comprendre, à se parler, à s’estimer, à se respecter. Sur un air d’Oud, qu’Abraham et Ibrahim chantent ensemble, plutôt que de s’éviter, de s’oublier et de se perdre. Parce que peut-être, il faut espérer. Parce que peut-être, il faut continuer d’aimer. Parce que peut-être, il faut chercher les voies du dialogue et de la réconciliation, sans perdre de ce que nous sommes, les uns et les autres.
Cela porte un nom, magique, que l’on peut traduire dans toutes les langues: l’amour d’une mère…
Ce que l’on traduirait en langue arabe de la manière suivante:
أدين إلى أمي، تلك اليهودية العربية، بالأمل في إمكانية أن يتصالح اليهود والعرب يوما ما، على أنغام العود، وأن سحر الشرق يعطي أكله، وأن يتعلموا عندئذ أن يعيدوا التفكير في أنفسهم، وأن يلتقوا، وأن يفهم بعضهم بعضا، أن يتحدثوا، أن يحترموا بعضهم. وعلى لحن العود ينشده أبراهام وإبراهيم سوية، عوض أن يتفادوا بعضهم وينسوا بعضهم ويضيعوا أنفسهم.
حب الأم
لأنه ربما يجب علينا أن نأمل. لأنه ربما يجب أن نواصل الحب. لأنه ربما يجب البحث عن قنوات الحوار والمصالحة، دون أن نضيع منا ما يكوننا، نحن وهم.
يحمل ذلك اسما، سحريا، يمكننا ترجمته إلى كل اللغات: حب الأم…
Djerba l’enchanteresse, au-delà de la beauté. L’île transporte votre cœur. Enchanteresse odeur, doux parfum de l’enfance, qui vous regarde avec le sourire et le cœur.
Celui d’une mère tunisienne.