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Expulsions vers le Rwanda : à Kigali, Braverman vante la décoration des habitations prévues pour les migrants

En visite à Kigali, samedi, la ministre de l'Intérieur britannique a défendu son projet d'expulsion de migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda. Sur place, Suella Braverman a même plaisanté et vanté la "beauté" des habitations pour demandeurs d'asile en cours de construction.

« Chaleureux », ce fut un peu le maître mot de la visite de Suella Braverman à Kigali. Lors de son déplacement dans la capitale rwandaise, samedi 18 mars, la ministre de l’Intérieur britannique a eu l’air sous le charme des chantiers en cours de construction. C’est dans ces lotissements que pourraient être logés les migrants expulsés par Londres.

En visitant ces préfabriqués, la ministre a déclaré qu’ils étaient « beaux ». « C’est accueillant, chaleureux et très bien décoré. Je pendrais bien le nom (…) et quelques conseils de votre décorateur d’intérieur », a-t-elle même plaisanté.

Un décalage de ton qui détonne avec la gravité du projet : Londres prévoit d’envoyer des demandeurs d’asile arrivés clandestinement au Royaume-Uni dans ce pays d’Afrique de l’Est, à plus de 6 000 kilomètres de l’île britannique.

Le gouvernement espère ainsi freiner les traversées illégales de la Manche – qui ne cessent d’augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l’immigration depuis le Brexit. Plus de 45 000 personnes sont arrivées sur les côtes anglaises en 2022, contre 28 526 en 2021, et déjà plus de 3 000 en 2023.

Arcboutée sur ses positions, la ministre a également assuré que cet accord revêtait un aspect « humanitaire » et « compatissant ».

Depuis le printemps dernier, les institutions mondiales, les députés de l’opposition et les ONG rivalisent pourtant d’adjectifs péjoratifs pour qualifier ce partenariat : « Inhumain et indigne », selon la Commission européenne, « contraire à l’éthique et exorbitant », selon les travaillistes, « irresponsable », selon Amnesty International, Human Rights Watch et le HCR. Même le roi Charles III, alors héritier du trône, avait exprimé son désaccord et jugé – en privé – que le projet du gouvernement était « consternant », avait rapporté en juin le quotidien The Times.

Un plan pour « sauver des vies », selon Londres

Pourtant, le gouvernement britannique « croit sincèrement » à ce plan qui concernerait uniquement des personnes qui ne peuvent pas être renvoyées dans leurs pays d’origine, selon un communiqué du ministère britannique de l’Intérieur publié samedi soir. Ce projet « contribuera non seulement à démanteler les réseaux criminels de trafic d’êtres humains, mais aussi à sauver des vies », a assuré de son côté le ministre rwandais des Affaires étrangères Vincent Biruta, aux côtés de Suella Braverman.

Selon le texte signé par les deux pays, le Rwanda serait responsable de ces demandeurs d’asile expulsés, même si certains obtiennent le statut de réfugié. Pas question de les renvoyer vers Londres.

Ces réfugiés bénéficieraient d’un logement à long terme dans le pays, exactement comme ceux visités par la ministre samedi. Le gouvernement de Kigali a déclaré que les migrants auront « droit à une protection complète en vertu de la loi rwandaise, à un accès égal à l’emploi et à l’inscription aux services de santé et de protection sociale ».

Des vols toujours à l’arrêt

Reste à savoir si des avions décolleront un jour du Royaume-Uni. Pour l’heure, le projet est à l’arrêt malgré le feu vert de la Haute Cour de Londres qui l’avait jugé « légal ». Un premier vol prévu en juin avait été annulé in extremis, après une décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) qui réclamait un examen approfondi de cette politique. Puis, en janvier, la justice britannique a accepté d’examiner en appel ce projet gouvernemental. Parmi les points soumis à la cour figure la question de savoir si le projet est « injuste ».

Le Rwanda est dirigé d’une main de fer par Paul Kagame depuis la fin du génocide de 1994, qui a fait 800 000 morts du côté des Tutsis et des Hutus modérés selon l’ONU. Le régime est régulièrement accusé par des ONG de réprimer la liberté d’expression, les critiques et l’opposition politique.

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