En Italie, les sans-papiers et demandeurs d’asile ne pourront plus avoir de numéro de téléphone
Le parlement italien a adopté la semaine dernière un amendement qui modifie les conditions d’accès à l’achat d’une carte SIM dans le pays. Désormais, les migrants doivent présenter une carte d’identité mais aussi une copie de leur titre de séjour pour obtenir un numéro de téléphone italien. Une mesure qui va laisser des milliers de personnes sans téléphone, pourtant indispensable pour suivre les procédures administratives ou contacter les familles restées au pays.
Obtenir une carte SIM italienne est devenue presque mission impossible pour les migrants vivant en Italie. Le parlement a approuvé mercredi 18 septembre un amendement au code des télécommunications inséré discrètement dans la loi sur la sécurité. Ce texte, porté par le gouvernement de la Première ministre d’extrême droite Giorgia Meloni, impose aux opérateurs de « réclamer au client citoyen d’un État n’appartenant pas à l’Union européenne une copie de son titre de séjour », signale le journal La Repubblica.
En clair pour les exilés, et même pour les demandeurs d’asile, la carte d’identité seule ne suffit plus pour acheter une carte SIM en Italie – comme c’est actuellement le cas pour les Italiens ou les ressortissants de l’UE. Désormais, les migrants doivent également présenter un titre de séjour aux commerçants.
Si les vendeurs n’appliquent pas cette mesure, ils risquent la fermeture de leur commerce pour une période allant de cinq à trente jours.
Les étrangers qui demandent une carte SIM pour une personne sans titre de séjour s’exposent eux aussi à des sanctions. S’ils sont démasqués, les opérateurs peuvent leur interdire de signer de nouveaux contrats téléphoniques pour une durée de six mois à un an.
« Concentré d’hypocrisie et de racisme »
Cet amendement a été vivement critiqué par des militants et des membres de l’opposition en Italie. « Il s’agit d’un concentré d’hypocrisie et de racisme », a réagi le député Filiberto Zaratti, de l’Alliance des Verts et de la Gauche, cité par le média suisse Le Temps.
Les délais d’attente pour obtenir l’asile en Italie peuvent durer plusieurs mois. Pendant cette période, les migrants ne possèdent pas de titre de séjour et ne peuvent donc plus obtenir un numéro de téléphone italien. C’est pourtant le seul moyen pour eux de prévenir leur famille qu’ils sont en sécurité en Europe, et de garder le contact avec elle. La ligne téléphonique est également indispensable parfois pour suivre ses démarches administratives.
La plupart du temps, les exilés ne possèdent plus de téléphone en arrivant en Europe car ils ont été dépouillés par les passeurs avant de prendre la mer.
Ce nouveau dispositif s’inscrit dans la même logique que les mesures prises par Giorgia Meloni depuis son arrivée au pouvoir fin 2022 : dissuader les migrants d’atteindre l’Italie.
Durcir les conditions d’accueil
En 2023, son gouvernement avait pris toute une série de mesures pour durcir les conditions d’accueil des exilés dans le pays. Le décret Cutro – du nom de la ville proche d’un terrible naufrage en février 2023 – rend notamment possible l’hébergement des mineurs non accompagnés de plus de 16 ans dans des centres de réception pour adultes, pour une durée maximale de cinq mois ; autorise le dépassement des capacités des centres de 50% dans les structures pour mineurs et 100% dans celles pour adultes ; raccourci le délai de recours contre l’expulsion d’un étranger titulaire d’un titre de séjour longue durée dans l’UE de 30 à 15 jours.
Mais la mesure la plus emblématique est celle qui restreint les activités de sauvetage en mer Méditerranée. Une loi signée en décembre 2022 – le décret Piantedosi du nom du ministre de l’Intérieur – oblige les ONG à se rendre « sans délai » au port de débarquement assigné par les autorités italiennes juste après un premier sauvetage. Impossible donc pour les bateaux de procéder à une autre opération de secours – sauf accord exceptionnel de Rome.
Si les équipages ne s’exécutent pas, ils encourent une amende allant jusqu’à 50 000 euros et l’immobilisation de leur navire.
Les navires humanitaires sont également obligés de débarquer les migrants dans des ports éloignés, ce qui augmente les délais et les coûts de retour en mer pour d’autres sauvetages.
Selon l’ONG SOS Humanity, cette mesure a fait perdre 374 jours aux navires de sauvetage, qui doivent effectuer des longs trajets pour rejoindre des ports de débarquement italiens au lieu de rester en mer pour porter assistance aux canots en détresse. « Ce n’est pas une coïncidence, mais bien une tactique politique », assure SOS Humanity.