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Mayotte : trois personnes condamnées à de la prison ferme pour avoir fait passer 36 000 migrants

Trois passeurs ont écopé, vendredi 10 février, de deux à sept ans de prison ferme et d'amendes par le tribunal de Mamoudzou. Le réseau, qui opérait depuis 2019, organisait trois voyages par semaine depuis les Comores.

Une véritable organisation professionnelle d’immigration clandestine. Vendredi 10 février, trois passeurs ont été jugés en comparution immédiate sur l’île de Mayotte, pour avoir fait passer plus de 35 000 personnes depuis l’archipel voisine des Comores à bord d’embarcations de fortune.

« Depuis 2019, ce réseau organise trois voyages par semaine avec 18 personnes à bord de chaque bateau et chaque passager paie 300 euros. Si l’on multiplie ça sur quatre ans, on estime qu’ils ont fait passer 36 000 personnes pour un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros », a déclaré vendredi à l’AFP Laurent Simonin, directeur territorial de la police nationale à Mayotte, décrivant une « véritable entreprise ».

L’enquête débutée en septembre 2022 a été menée notamment avec des écoutes téléphoniques. Elle a permis l’arrestation de ces trois personnes, dont « l’un des deux organisateurs en chef », selon Laurent Simonin. Au terme de son procès vendredi, par le tribunal de Mamoudzou, cet homme de 26 ans a été condamné à sept ans de prison ferme et 100 000 euros d’amende pour « aide à l’entrée et au séjour irréguliers en bande organisée ».

Un chauffeur de taxi et un guetteur, âgés d’une trentaine d’années, ont également été condamnés respectivement à trois ans et deux ans de prison ferme ainsi que 50 000 et 10 000 euros d’amende. Les trois ressortissants comoriens se sont également vu interdire le territoire pour plusieurs années.

Pour atteindre Mayotte, la plupart des migrants partent des îles d’Anjouan et de Mohéli. Crédit : Google Maps

« À la fois on est satisfait, à la fois cela veut dire qu’il y a encore des trous dans la raquette », a commenté le directeur de la police nationale à Mayotte, pour qui il s’agit d’une des plus grosses affaires de ce type mise au jour jusqu’ici.

Si le montant accumulé au cours des quatre dernières années semble colossal, les trois anciens pêcheurs condamnés vivaient pourtant dans le dénuement, dans des bangas [cases en tôle], d’après le policier qui précise n’avoir retrouvé à cet endroit « ni de compte bancaire ni d’argent ». Pour le fonctionnaire, il est donc « possible » que les sommes récoltées finissent dans les poches de personnages plus importants.

Plus de 25 000 reconduites à la frontière

Les réseaux se sont professionnalisés depuis quatre ans et la mise en place de l’opération Shikandra, opération civilo-militaire dédiée à la lutte contre l’immigration clandestine, sous l’effet de laquelle les moyens de surveillance maritime se sont décuplés autour de l’île française. « Ils trouvent des pilotes qui connaissent extrêmement bien le lagon, qui arrivent à se faufiler sans être vus par les radars », détaille Laurent Simonin, estimant que d’autres réseaux sont encore actifs.

En 2022, la hausse conjuguée des moyens matériels et humains a permis d’intercepter 571 embarcations transportant 8 000 migrants, interpellés en mer. Plus largement, 25 380 personnes ont été reconduites à la frontière l’année dernière, très majoritairement vers les Comores.

L’immigration clandestine en provenance des Comores est un sujet de préoccupation majeur pour les autorités françaises à Mayotte, où l’on estime qu’un quart de la population est en situation irrégulière.

Sur l’île, les dispositions juridiques liées à l’asile et à l’accès à la nationalité française diffèrent d’ailleurs de celles qui s’appliquent en métropole. Les titres de séjour délivrés sur son territoire, par exemple, ne sont valables qu’à Mayotte. Pour la quitter, y compris pour se rendre dans un autre département français, il faut obtenir un visa.

Et le droit du sol, qui permet à un enfant né en France de parents étrangers de demander à sa majorité la nationalité française, est plus limité à Mayotte : l’enfant qui demande la nationalité doit remplir les conditions établies par la loi française, mais il doit aussi prouver que l’un de ses parents au moins résidait en France légalement depuis trois mois au moment de sa naissance. D’après Mayotte La Première, Gérald Darmanin envisage d’ailleurs de durcir encore cette mesure, en allongeant le délai à neuf mois et en étendant la présence régulière sur le territoire aux deux parents.

 

 

 

 

 

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