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Tunisie : « Il faut changer la mentalité des tunisiens et les orienter vers la création de projets » (Tarek Cherif)

Il faut changer la mentalité des tunisiens et les orienter vers la création de projets privés, sinon il n’y a pas de perspectives pour la Tunisie», a indiqué le président de Conect, Tarek Chérif, dans un entretien accordé à l’Agence TAP.

« Pour atteindre cet objectif, nous devons concevoir un programme exhaustif, encourageant les jeunes, surtout parmi les diplômés du supérieur et les porteurs d’idées de projets innovants, à se lancer dans l’expérience de l’entrepreneuriat et à concrétiser leurs projets, et ce, en mettant à leur disposition des incitations financières », a précisé le président de la deuxième organisation patronale du pays.

« Nous pouvons, même, lancer une ligne de crédit, permettant d’octroyer aux jeunes entrepreneurs, des prêts à un taux d’intérêt de 0%, dont le financement pourrait être assuré par une institution financière internationale. Les aider à monter leurs propres projets et à créer de la valeur ajoutée, sera beaucoup plus intéressant, que de les recruter dans la fonction publique ou encore de les intégrer dans les sociétés de l’environnement, de plantation et de jardinage, en leur octroyant un salaire, pour ne rien faire».

« De tels projets, seront en mesure de résoudre, définitivement, les problèmes du sureffectif dans l’administration publique et du chômage ».

Pour Chérif, «les problèmes économiques de la Tunisie sont ceux du chômage, de la pauvreté, des disparités régionales, de l’endettement, de la chute du taux de croissance, de l’inflation et du déficit commercial. A cela s’ajoute un autre problème majeur, à savoir la dégradation de la productivité, surtout au niveau de l’administration tunisienne, en raison d’un état d’esprit où domine le laisser aller».

« Nous comptons, aujourd’hui, 800 mille salariés dans la fonction publique, alors que le besoin réel se limite dans les meilleurs des cas, à 400 mille personnes. Il est impossible de continuer à gérer le pays avec une masse salariale, représentant 40% du budget de l’Etat. Il faut adopter une stratégie pour changer la vocation de ces fonctionnaires, en facilitant le départ à la retraite d’un certain nombre et en aidant, les autres, à lancer leurs propres projets, lesquels seront créateurs de valeur, de richesse et d’emplois ».

Parallèlement à ces mesures, Cherif a recommandé de veiller à impulser les exportations nationales et à encourager l’industrie et l’investissement local et étranger, et ce, en lançant les réformes indispensables.

Nous sommes face à des hommes politiques et non des hommes d’Etat

«Le problème majeur de la Tunisie aujourd’hui, c’est que nous sommes, de plus en plus, face à des hommes politiques plutôt que des hommes d’Etat, qui ont l’audace de mettre en place des réformes douloureuses. Nos hommes politiques veillent surtout, à gérer leurs carrières, ils privilégient leur avenir politique et oeuvrent en perspective des prochaines élections. Partant, ils ne pensent pas vraiment, à l’avenir des générations futures », a estimé le président de la Conect.

Par ailleurs, l’homme d’affaires a pointé du doigt une autre défaillance au niveau de l’élaboration des projets de loi de finances. « En raison de l’adoption d’hypothèses irréalistes, notamment celle relative à la fixation d’un taux de croissance irréaliste, la Tunisie se retrouve aujourd’hui, en manque de 12 milliards de dinars, dans son budget 2020 ».

«Le comblement de ce manque, se fera soit à travers un recours aux institutions financières internationales, lesquelles exigent des réformes, ou auprès du marché financier, ou encore, en partie, auprès du marché financier local, et dans ce cas, le gouvernement risque d’assécher les liquidités disponibles chez les banques. Ceci se fera au détriment de l’investissement et du financement de l’économie du pays, d’autant que l’épargne a chuté de moitié depuis la révolution. D’ailleurs, une importante part des liquidités, est détournée vers le marché informel ».

Une loi de finances complémentaire dans les mois à venir

Dans le même contexte, il a déclaré que la Tunisie sera bien obligée, cette année, de préparer une loi de finances complémentaire dans les mois à venir (d’ici mars ou avril), afin de trouver des ressources financières pour combler le fossé budgétaire.

Toutefois, Chérif a estimé qu’un certain nombre de secteurs pourraient enregistrer des résultats positifs, cette année, à même de consolider le taux de croissance, à savoir la production du phosphate et celle du gaz naturel, grâce à l’entrée en exploitation du champ Nawara.

« D’autres leviers peuvent nous donner, aussi, satisfaction, en l’occurrence l’agriculture, surtout si nous œuvrons à valoriser nos produits et à appuyer cette activité par une industrie de transformation, afin d’élargir les perspectives et multiplier les offres d’emploi», a t-il relevé.

Une fiscalité confiscatoire en Tunisie

De même, il a appelé à alléger la fiscalité, afin de booster le secteur industriel, ce qui aura pour conséquence, le renforcement des exportations et la conquête de nouveaux marchés, à l’international.

« La fiscalité est très élevée en Tunisie, avec des taux inacceptables avoisinant les 35%. C’est une « fiscalité confiscatoire », qui pousse plusieurs hommes d’affaires et investisseurs à s’orienter vers le marché parallèle, ou à choisir de partir pour s’installer dans d’autres sites concurrents, dont le taux de fiscalité est beaucoup moins élevé, tel le cas de la Jordanie (5%) », a-t-il affirmé.

Et d’ajouter « outre la fiscalité, le gouvernement doit veiller à résoudre les problèmes entravant l’exportation, partant du constat que notre pays n’est plus compétitif par rapport à d’autres pays concurrents, à savoir le Maroc, l’Egypte, la Turquie, le Portugal… ».

Il faut, essentiellement, réduire les coûts de production, surtout celui de l’énergie, et débloquer les problèmes logistiques. « Nous demandons juste que nos aéroports et nos ports, soient au même niveau que ceux de pays concurrents. Une simple comparaison entre le port de Radès et celui de Casablanca, fait ressortir une productivité 6 à 8 fois plus élevée, pour celui de Casablanca, ce qui a une influence directe sur les prix ».

Partant de ce constat, il a appelé le gouvernement à mobiliser les moyens nécessaires pour faire face à cette situation, estimant que «ce blocage ne profite qu’à quelques centaines de personnes qui ont des intérêts strictement personnels, et détruit toute perspective de développement de l’industrie locale ».

Il est inadmissible de continuer à protéger des sociétés publiques déficitaires

Pour l’homme d’affaire, il est impératif de tirer le meilleur parti des opportunités offertes par le tourisme, qui peut être une source illimitée de création de valeur et d’emplois, surtout au vu des potentialités de ce secteur.

« Il faut avoir une vision futuriste, en veillant à diversifier l’offre touristique, à limiter la bureaucratie, en réduisant le nombre d’autorisations, et à adhérer à l’open sky, ce qui permettra de multiplier le nombre de touristes, au moins par 4, par rapport aux résultats enregistrés cette année, et par conséquence, renforcer le nombre d’employés dans cette filière », a affirmé Cherif, estimant que la Tunisie n’a pas ouvert son ciel à l’open sky, rien que pour protéger Tunisair.

« Il est inadmissible de continuer à travailler de cette manière et à protéger des sociétés publiques déficitaires. Notre pays adopte l’attitude d’un Etat soviétique, alors que la Russie et la Chine ont changé de comportement. Ceci n’est plus d’actualité, il faut libérer les initiatives, sacraliser la notion du travail et adopter une réglementation qui s’adapte avec les exigences du développement économique».

Selon lui, l’Etat doit prendre les bonnes décisions, en privatisant en partie ou en totalité certaines entreprises publiques en difficulté, tel le cas de la Régie Nationale des Tabacs et des Allumettes (RNTA), dont les pertes annuelles varient entre 500 millions de dinars et 1 milliard de dinars.

Dans ce cadre, le président de la Conect a appelé à activer les projets de partenariat public-privé (PPP), notamment pour la réalisation et la gestion des projets étatiques, afin de gagner en efficacité.

 

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