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Traumatisés par le souvenir de 2011, des milliers d’Ivoiriens prennent le chemin de l’exil

Les tensions pré et postélectorales persistantes ont déjà poussé depuis fin octobre plus de 10.000 Ivoiriens à fuir en majorité vers le Liberia, selon le HCR. Si les autorités gouvernementales admettent ces déplacements de populations en quête de sécurité, elles contestent toutefois les chiffres de l'agence onusienne.

Des Ivoiriens qui se réfugient par milliers dans des pays voisins pour des raisons de sécurité, la Côte d’Ivoire n’avait plus connu pareille situation depuis la crise postélectorale de 2010-2011. À l’époque, le conflit armé né de la revendication de la victoire à l’élection présidentielle par Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo avait occasionné plus de 3.000 morts et provoqué un exode massif de centaines de milliers de personnes.

Anticiper pour ne pas être surpris

Au 2 novembre, le Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) recensait plus de 3.200 Ivoiriens arrivés au Liberia, au Ghana, en Guinée et au Togo. Leur nombre a par la suite triplé en l’espace de dix jours pour atteindre 10.087.

Les premières arrivées dans les pays voisins ont été enregistrées peu avant la présidentielle du 31 octobre. Ainsi, pour la seule journée du 30 octobre, plus d’un millier de personnes ont passé la frontière du Liberia.

Interrogé par Sputnik, Daouda Guirou, chargé de communication à la représentation du HCR en Côte d’Ivoire, explique que «la plupart de ces déplacements, motivés par la peur, sont effectués à titre préventif».

«Ce ne sont pas forcément des gens qui fuient des violences dans leur village. Il faut savoir que les régions de Côte d’Ivoire dont ils sont originaires ont payé un lourd tribut lors de la crise de 2010-2011. Ces populations en sont sorties traumatisées. Certains arrivants au Liberia nous ont confié qu’ils ne tenaient surtout pas à être surpris par les événements comme en 2011, où ils ont été pris en étau avec l’impossibilité de fuir. Ils ont donc préféré prendre les devants cette fois», a-t-il expliqué.

Parallèlement à ces réfugiés, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a identifié plus de 5.000 déplacés internes à la suite des affrontements qui ont éclaté dans plusieurs localités du pays.

Si la situation actuelle est encore très loin de s’en rapprocher, elle rappelle inévitablement la crise postélectorale de 2010-2011 avec ses plus de 300.000 réfugiés et son million de déplacés internes. Sur ces 300.000 réfugiés, 273.000 ont depuis regagné la Côte d’Ivoire. Mais des milliers d’autres demeurent encore à l’extérieur. Certains par choix, pour ceux qui y ont trouvé l’opportunité d’un nouveau départ. D’autres par contrainte politique, comme c’est le cas des milliers de partisans de l’ancien Président Laurent Gbagbo, en exil au Ghana notamment.

Pour faire face aux besoins humanitaires de ces nouveaux réfugiés, le HCR prévoit, entre autres, d’acheminer par avion-cargo des articles de secours au Liberia, pays limitrophe à l’ouest de la Côte d’Ivoire où sont concentrés près de 92% d’entre eux (le reste étant réparti entre le Ghana, la Guinée et le Togo). En attendant, des vivres et de l’argent en espèces leur sont distribués par les équipes de l’agence présentes sur le terrain.

 

Selon Daouda Guirou, il s’agit là d’actions urgentes mais ponctuelles, «la plupart des réfugiés souhaitant retourner dans leur pays une fois le calme revenu». «Tout va donc dépendre de la situation en Côte d’Ivoire dans les jours ou semaines à venir. Si les tensions sont moins fortes, ils devraient être suffisamment rassurés pour rentrer chez eux, comme ils espèrent le faire très vite», a-t-il expliqué.

Des chiffres contestés

Dans un communiqué du 13 novembre, Mariatou Koné, la ministre ivoirienne de la Solidarité, s’est insurgée contre les chiffres du HCR.

Elle évoque seulement 2.911 personnes temporairement réfugiées à l’extérieur.

«Les autorités ivoiriennes ont enregistré le franchissement des frontières du Liberia et du Ghana par 2.911 personnes, toutes nationalités confondues, en quête de sécurité par anticipation des conséquences de potentielles violences électorales. Le 2 novembre 2020, soit 48 heures seulement après le scrutin présidentiel du 31 octobre, 289 réfugiés au Ghana sont revenus en Côte d’Ivoire, ramenant le nombre à 2.622. Depuis, les mouvements de retour se poursuivent», a-t-elle indiqué.

Les chiffres avancés par le gouvernement ivoirien contrastent non seulement avec ceux du HCR, mais aussi avec les données de l’agence onusienne qui indiquent que les mouvements de population hors du pays se poursuivent.

 

Des tensions persistantes

Entamées en août, avec une résurgence particulièrement violente à l’occasion de la présidentielle du 31 octobre, les manifestations contre la candidature d’Alassane Ouattara et désormais sa réélection pour un troisième mandat jugé inconstitutionnel par l’opposition se poursuivent.

Des tensions persistantes

Entamées en août, avec une résurgence particulièrement violente à l’occasion de la présidentielle du 31 octobre, les manifestations contre la candidature d’Alassane Ouattara et désormais sa réélection pour un troisième mandat jugé inconstitutionnel par l’opposition se poursuivent.

À ce jour, elles ont fait 85 morts (34 avant le scrutin, 20 le jour du vote et 31 après) et 484 blessés, selon le gouvernement.

Et de nouvelles violences sont à craindre. Le tête-à-tête du 11 novembre entre Alassane Ouattara et l’ancien Président Henri Konan Bédié, qui fait figure de chef de file de l’opposition, n’aura pas suffi à faire baisser la tension dans le pays.
L’opposition exige, avant l’établissement d’un dialogue inclusif avec le pouvoir sous la conduite d’un facilitateur accepté par toutes les parties, la libération de tous les opposants et acteurs de la société civile incarcérés. Elle réclame également la cessation de toutes les poursuites judiciaires en cours ainsi que le retour sécurisé de tous les exilés politiques et la création d’une commission d’enquête internationale sur les événements survenus en Côte d’Ivoire depuis le mois d’août dernier.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Roland Klohi
Source :Sputnik 

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