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Au Cameroun, la domotique fait ses premiers pas, malgré la fracture numérique

Passionnés de domotique, deux jeunes Camerounais ont élaboré une application dédiée à la sécurisation des logements à distance. Une innovation technologique dont la potentielle réussite est d’ores et déjà remise en cause dans ce pays où la fracture numérique est béante…

Le déficit énergétique et la fracture numérique encore importante au Cameroun ne freinent pas pour autant l’élan des amoureux de technologies. Fervents amateurs de domotique et d’innovations, Romanic Talla –32 ans, ingénieur en technologie biomédicale– et Celeo Tchatchouang –27 ans, diplômé en génie industriel– ont lancé une application qui permet à chacun de contrôler son domicile à partir de n’importe quel point du globe grâce à un téléphone portable.

Dédié à la sécurisation des logements, ce système domotique, dont le coût d’installation avoisine les 400 euros, peut par exemple verrouiller automatiquement les portes de sa demeure et fonctionner sans connexion Internet. Il permet également de contrôler ses appareils électroménagers.

«Ce système offre à sa clientèle un confort dans l’exécution des tâches quotidiennes et contribue à faire des économies sur sa facture d’électricité. Il permet aussi de protéger les appareils électroménagers, ce qui assure la sécurité des habitats», confient les deux concepteurs au micro de Sputnik.

L’application agit comme une télécommande. Une fois hors de son logement, son utilisateur peut par exemple être renseigné sur le fonctionnement de ses appareils électriques ou électroménagers. Il suffit, précisent-ils, «d’envoyer un SMS à votre domicile et il vous informe de son état en fonction de ce que vous avez demandé».

«De façon très simple, l’application vous permet, lorsque vous n’êtes pas chez vous, de poser la question à votre résidence: « Maison, dis-moi quels sont les équipements que j’ai oublié de débrancher? Quelles sont les lampes que j’ai oublié d’éteindre? » L’application se charge de vérifier et de vous répondre. Et vous saurez quelles actions mener à partir de cet instant», expliquent-ils.

Une solution née de leur vécu

Opérationnelle depuis 2018, l’application est le fruit d’une frustration vécue par ses inventeurs. En effet, l’idée de mettre en place cette solution vient d’un incident rencontré par Romaric Talla alors qu’il était en classe de première. Un événement qui est resté gravé dans son souvenir.

«J’ai perdu mon ordinateur à la suite d’un problème électrique. Ce jour-là, nous étions sortis faire une course mais malheureusement il s’est mis à pleuvoir de manière très forte. N’ayant pas débranché la machine, le pire s’est produit. La foudre a mis l’ordinateur hors service. Vous imaginez le désarroi dans lequel je fus plongé, surtout quand on sait que c’était un luxe d’avoir cette machine à l’époque», relate le jeune entrepreneur.

En compagnie de Celeo Tatchouang, rencontré à l’Université des montagnes à l’ouest du Cameroun, qui avait connu auparavant une situation similaire avec son poste de télévision, Romaric Talla décide de se lancer dans la domotique.

«Nous avons réfléchi au moyen de pallier ce problème. C’est près de sept ans plus tard que nous avons pu avoir un début de solution», racontent-ils à Sputnik.

Développée à Yaoundé, la capitale politique du Cameroun où est basée leur start-up, cette solution technologique avance à petits pas. Malgré le service innovant qu’elle propose, elle peine encore à pénétrer les habitudes de consommation.Dans le portefeuille des entrepreneurs, une dizaine de clients seulement ont choisi d’utiliser l’application à ce jour, «même si un travail de communication et de sensibilisation du public pourrait faire passer un nouveau cap», suggèrent les deux hommes.

M. Safourgne, habitant à Yaoundé, fait partie des premiers utilisateurs de ce système. Le mécanisme, souligne-t-il, lui a permis d’avoir «plus de sérénité» quant à la sécurisation de son domicile et aussi de «réduire le montant» de ses factures d’électricité.

Des coupures d’électricité constantes

Dans un contexte local caractérisé par l’instabilité de la fourniture électrique –qui génère parfois des dommages sur l’électroménager et surtout une insécurité constante–, la solution des jeunes chercheurs pourrait apparaître comme la panacée… mais aussi comme un luxe aux yeux de certains.

Pour Georges Nsen, assureur de son état, «les priorités sont ailleurs». Même s’il convient selon lui de saluer les avancées technologiques telles que ce projet, il souligne que la résolution des «problèmes basiques» devrait être le fait de solutions infrastructurelles, pas des alternatives à la pointe de l’innovation, qui seront réservées aux plus fortunés.

«Nous avons encore des problèmes structurels comme les coupures constantes d’électricité en plein centre-ville de Yaoundé. Je n’ose imaginer le calvaire de ceux qui vivent dans l’arrière-pays. Même la connexion Internet demeure un luxe. Pour ma part, il faut d’abord résoudre ces problèmes et après, nous pourrons utiliser ces outils, comme dans les pays développés», confie-t-il à Sputnik.

En effet, le Cameroun fait encore face à un déficit criant dans la fourniture d’énergie électrique. Les statistiques de l’Agence d’électrification rurale (AER) révèlent que près de 22% seulement des localités en zones rurales sont connectées au réseau électrique au Cameroun, pour un taux d’électrification rurale qui atteint à peine 20% à l’échelle nationale.

À Douala et Yaoundé, les deux principales villes du pays qui regroupent 45 % des abonnements au réseau électrique national, les habitants sont souvent confrontés aux coupures intempestives de courant. Un obstacle à coupler avec le faible taux de pénétration d’Internet au Cameroun. En 2019, celui-ci était de l’ordre de 35%, selon l’agence de régulation des télécommunications (ART).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Par Anicet Simo

Source :Sptunik 

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